des auteurs progressistes du Golfe persique :
les groupes musulmans d’Europe
exploitent l’ouverture d’esprit des Européens
Dépêche spéciale n° 2309 Memri
Deux récents
articles parus dans la presse du Golfe évoquent l´attitude des
musulmans européens à l’égard de l’Occident. Le 2 décembre 2008, Dhiya
Al-Mousawi, un religieux chiite libéral de Bahreïn, publie dans Awan,
quotidien libéral koweïtien, un article sur les attentats de Bombay
dont certains des auteurs étaient des musulmans naturalisés
britanniques. Le deuxième article, de Khalil ’Ali Haidar, journaliste
progressiste koweïtien, a été publié le 5 octobre 2008 dans
Al-’Ittihad, quotidien des Emirats arabes unis.
Ces deux
auteurs critiquent les groupes musulmans d’Europe pour le mal qu’ils
font à l’Occident tout en profitant de ses libertés et services. Haidar
évoque un problème général, critiquant tous les mouvements et partis
islamiques d’Europe, accusés d´encourager l’extrémisme islamique et de
contrôler la vie des musulmans européens. Au lieu de chercher à réduire
l’écart entre l’Orient et l’Occident, ils ont délibérément favorisé
l´isolement, le repli et, à terme, le terrorisme djihadiste contre
l’Occident, estime-t-il.
Voici quelques extraits des articles de Al-Mousawi et Haidar :
Les musulmans européens crachent dans le puit d'où ils puisent leur eau
Dans un article intitulé «Quand
le terroriste est britannique de naissance», Al-Mousawi écrit :
« ..Il est triste que, dans les pays occidentaux, il y ait des
milliers de musulmans qui obtiennent la citoyenneté pour eux-mêmes et
leurs familles après avoir été expulsés de leur pays d’origine.
[L’Occident] leur accorde l’asile et leur fournit le toit, du travail
et l’assurance santé - [et pourtant] ce sont les premiers à se
retourner contre leur nouvelle patrie. Pire, certains n’ont aucune
problème à commettre un attentat suicide sur la place publique, au sein
même des pays qui leur ont accordé leur protection, à eux et à leurs
familles … Il est curieux de voir certains imams maudire et insulter
l’Occident dans les prêches qu’ils font dans des [mosquées]
occidentales, et appeler de leurs vœux la destruction des pays
[occidentaux], alors même qu’ils sont placés sous la protection de la
police de ces pays...» [1]
Les islamistes ont pris le contrôle de la vie des musulmans d’Occident
Dans la même veine, Al-Haidar
écrit : «Le problème de l’Europe et des États-Unis, ce ne sont ni les
Arabes ni les musulmans. Ce sont les islamistes, partis ou groupes, qui
ont pris le contrôle de la vie politique, religieuse, sociale et
culturelle, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des pays islamiques et
arabes. [Ces partis et groupes] exercent une influence sur les
minorités musulmanes des pays occidentaux... Leur action a consisté à
imposer des restrictions à la première génération [d’immigrants], à
endoctriner la deuxième génération et à excommunier des syndicats, des
organisations et des mosquées.
Depuis de nombreuses années - en
fait, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale -, les pays
occidentaux accueillent des Arabes et des musulmans et [leur] laissent
une très grande liberté de prêche et marge de manoeuvre. Ils les ont
traités avec une extraordinaire bienveillance. Avec le temps, les
musulmans se sont renforcés et ils ont resserré leur emprise sur le
cœur même de ces sociétés.
La présence d’islamistes [dans
les pays européens], avec tous leurs différents partis, groupes et
écoles de pensée, a constitué un banc d’essai des relations entre la
minorité musulmane, placée sous l’influence de l’endoctrinement [des
différents] partis, et ces sociétés démocratiques. Depuis de nombreuses
années, les islamistes et tout particulièrement les Frères musulmans,
se plaignent des [politiques] oppressives des régimes arabes, du gel
des libertés, de la surveillance, etc.
Les écrits de [Abu A’la]
Al-Mawdoudi, [2]
[initialement publiés en langue urdu], sont de plus en plus populaires
dans le monde arabe, corrompant la jeunesse et faussant sa vision du
monde. [Al-Mawdoudi] a proclamé à la face du monde, et tout
particulièrement à l'attention de [ses] adversaires européens libéraux,
l’avènement d’un nouvel ordre social qui serait en tout point supérieur
à la démocratie occidentale - qu’il s’agisse de liberté, de souplesse,
de tolérance religieuse, etc. - et qui serait mis en place sous la
conduite d’une jeunesse musulmane non contaminée par la saleté de la
civilisation occidentale et ses [valeurs] matérialistes.»
Les islamistes ont favorisé la marginalisation et le terrorisme
«L’idéologie des Frères musulmans, du parti Al-Tahrir, [3]
et d’autres groupes islamiques égyptiens, pakistanais et autres, a
propulsé les Arabes et les musulmans d’Europe dans l’obscurité et la
confusion. Avec leurs livres, leurs films et leurs idées séparatistes
extrémistes, ils ont ouvert la voie à la prolifération de différentes
formes d’extrémisme et, de là, au terrorisme déclaré.
Les attaques incessantes contre
la civilisation occidentale, contre les lois humaines et les études
orientales, ainsi que contre [ce qu’ils considèrent comme] une invasion
culturelle et des complots de l'Occident - ont rendu difficile pour
[les musulmans] l’intégration au nouvel environnement vers lequel ils
ont émigré tout en le haïssant. [Pourtant, son intégration], au moins
en ce qui concerne ses intérêts matériels ou les objectifs de son parti
[n’a jamais été entravée].»
Aucune culture du renouveau et de l’innovation
«Le mouvement islamique n’a pas
adopté l’idée de renouveau et d’innovation ; il n´a pas su voir le côté
positif de la société occidentale ou étudier la littérature, la culture
et l’art occidentaux afin de se créer un modèle moderne de culture, de
littérature et d’art associant des [éléments] occidentaux et
islamiques. Même les leaders des Frères musulmans, et d’autres qui sont
fiers de la civilisation islamique et se proclament héritiers des
civilisations de Bagdad et d’Andalousie - [même ceux-là], au cours du
demi-siècle [qu´a duré leur séjour] à Paris, à Londres ou en Allemagne,
n’ont pas produit [la moindre] idée nouvelle, et encore moins des
[créations] artistiques ou culturelles notables...
Il est vrai qu’ils ont créé des
maisons d’édition visant à diffuser les livres et publications de leurs
partis ; ils n’ont jamais cessé de perfectionner leurs armes
médiatiques que sont la presse, la télévision et d’autres supports ;
ils ont développé leurs propres banques et institutions financières [en
précisant qu’elles sont] ‘islamiques : pas d’intérêts’ ; ils ont créé
des écoles privées, qui n’ont servi qu’à isoler davantage les petits
musulmans de leur environnement européen, et ils ont ainsi renforcé le
contrôle des partis islamiques sur leur [vie] - et ce n’est là qu’une
liste partielle. Mais ce qu’ils n’ont pas fait, c’est agir pour créer
un pont entre l’Orient et l’Occident comme l’ont fait, par exemple, les
poètes de la diaspora [musulmane]. Ils n’ont jamais non plus cherché à
semer les graines de la modernisation, de la démocratie et de la
créativité - culturelle, artistique et littéraire - dans les mondes
arabe et islamique.
La plupart des articles sur [les
musulmans d’Europe], que les médias publient avec beaucoup
d’enthousiasme, portent sur les querelles entre mosquées, les crimes
d’honneur familiaux, ou le discours religieux extrémiste. Pas une seule
de leurs associations n’a jamais patronné le moindre programme culturel
utile, et aucun de leurs partis n’a jamais traduit une encyclopédie ou
organisé un groupe d’étude s’intéressant à un aspect donné de la
culture, de l’éducation ou des liens entre l’Orient et l’Occident.
Aucun de ces cercles n’a jamais non plus investi le moindre effort
[dans un projet] - pas même pour reconsidérer les écrits des partis
islamiques et les moderniser en en supprimant les idées extrémistes et
l’idéologie des accusations d’hérésie.»
Abus de tolérance
«La tolérance des Occidentaux
envers les musulmans en Europe et aux États-Unis pour ce qui est de la
liberté religieuse en général, et leur respect des conversions à
l’islam, notamment de la part de juifs et de chrétiens, n’ont servi de
modèle à aucun parti islamique : ils n’ont pas appris la tolérance
religieuse ; ils n´ont pas été poussés à reconnaître que le choix de la
religion est une affaire personnelle ; ils n’ont pas non plus été
incités à protéger les non-musulmans dans le monde arabo-islamique. Au
contraire, ils sont devenus de plus en plus agressifs, parce qu’ils ont
compris que l’Occident cédait à leurs exigences et les traitait avec
tolérance. Ils ont donc gagné du terrain et de la popularité, tandis
que leur arrogance ne connaissait plus de limites...
La littérature, les publications
et les sermons des islamistes, même en plein cœur de l’Europe,
conservent pour l’essentiel la structure conceptuelle des anciens
écrits [musulmans], puisqu’ils continuent à considérer tous les apports
de la civilisation comme des déchets, toutes les prodigieuses
innovations technologiques comme des avancées purement matérielles, et
la vie et les valeurs de l’Occident comme décadentes et dégradantes.»
Le lien à la violence et au terrorisme
«On a souvent dit que les
groupes islamiques modérés n’ont rien à voir avec la violence et le
terrorisme. Mais c’est une illusion. Toutes les idées des groupes
terroristes cadrent avec l’idéologie des Frères musulmans, du [parti]
Al-Tahrir, de Al-Jama’a Al-Islamiyya au Pakistan, et d’autres encore.
Des concepts comme l’idolâtrie, la loi de Dieu, l’instauration de la
charia et d’autres encore, qui ont acquis de nouvelles connotations
fondamentalistes liées aux nouveaux partis dirigeants, n’ont pas été
inventés par Al-Qaida ou le Fath Al-Islam. Les notions d’isolement
cognitif, d’invalidité des lois humaines et du service de Dieu, la
dévalorisation des valeurs de patrie et de citoyenneté ainsi que toutes
les facettes du réalisme politique, ou encore les proclamations telle
la devise des Frères musulmans ‘la mort pour Allah est notre plus haute
aspiration’ et beaucoup d’autres - tout cela n’a pas été inventé par
Al-Zarqawi, ben Laden, ou [Sheikh Abu Muhammad] Al-Maqdisi…
Que peut-on attendre d’un jeune
qui se trouve confronté à l’idée [suivante, que l’on trouve] dans un
livre fréquemment étudié par les Frères musulmans : ‘Nous vivons
aujourd’hui dans une jahiliya [l’ère pré-islamique du culte des
idoles], similaire à l’idolâtrie du temps de [Mahomet], et même pire.
Nous sommes entourés par l’idolâtrie. Les réalisations et les croyances
des hommes, les traditions et coutumes des peuples, leurs sources
traditionnelles, leurs arts et leur littérature, leurs lois et
règlements, et même la plupart de ce que nous considérons comme des
aspects de la culture islamique, les autorités islamiques, la pensée et
la philosophie islamiques - toutes ces choses sont des produits de
l’idolâtrie.
Il ne s’agit là que d’un passage du livre de Sayyed Qutb, Jalons.
Ce livre a été traduit dans toutes les langues des pays islamiques :
turc, perse, urdu, malais, indonésien, et d’autres encore, comme des
centaines d’autres livres des Frères musulmans. Ces livres endoctrinent
des milliers de jeunes du monde musulman et attirent [beaucoup d’entre
eux] vers des organisations terroristes extrémistes.
Ce passage, qui est lu [et relu]
par les islamistes depuis plus de 40 ans, n’est-il pas la principale
raison du sentiment croissant de marginalisation des musulmans de leur
propre société et de la société européenne, américaine ou australienne
vers laquelle ils ont émigré ?
Il ne fait aucun doute que ce
sont ces idées, ces textes et ces doctrines - dont certains [nous]
paraissent ‘modérés’ et sans danger, [une fois] qu’ils ont empoisonné
notre âme - qui ont façonné les idées de beaucoup de musulmans, hommes
et femmes, à travers le monde, et ont fait naître une génération de
terroristes djihadistes.
C’est ce [phénomène] qui a précipité la rupture entre les islamistes et les sociétés occidentales en Amérique et en Europe. » [4]
Notes
[1] Awan (Koweït), 2 décembre 2008.
[2]
Sayyid Abul A’la Mawdoudi (1903-1979)(1903-09-25), également connu sous
les noms de Mawlana (Maulana) ou du cheikh Sayyid Abul A’la Mawdudi,
était un journaliste, théologien et philosophe politique sunnite
pakistanais, et un penseur islamiste majeur. C’était également un
personnage politique dans sa patrie du Pakistan, où il a fondé le parti
revivaliste Jamaat-e-Islami.
[3]
Hizb Al-Tahrir (Parti de la libération) est un groupe islamique radical
dont l’objectif est de rallier les musulmans en appelant à
l’instauration d’un nouveau califat.
[4] Al-Ittihad (Emirats arabes unis), 5 octobre 2008.
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