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islam laïque

16 décembre 2006

interviews de Wafa Sultan, psychologue américano-arabe

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Wafa Sultan sur la chaîne quatarie al-Jazeera, le 21 février 2006


interview de Wafa Sultan

psychologue américano arabe,

sur Al Jazeera

21 février 2006




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Extraits de l’interview de Wafa Sultan, psychologue américano arabe, sur Al Jazeera.

Wafa Sultan : "Le conflit auquel nous assistons n’est pas un conflit de religions ou de civilisations. C’est un conflit entre deux opposés, entre deux époques. C’est un conflit entre une mentalité qui appartient au Moyen-Âge et une autre qui appartient au XXIe siècle. C’est un conflit qui oppose la civilisation au retard, ce qui est civilisé à ce qui est primitif, la barbarie à la raison. C’est un conflit entre la liberté et l’oppression, entre la démocratie et la dictature. C’est un conflit entre les droits de l’Homme d’une part, la violation de ces droits de l’autre. C’est un conflit qui oppose ceux qui traitent les femmes comme des animaux à ceux qui les traitent comme des êtres humains. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui n’est pas un conflit de civilisations. Les civilisations ne s’affrontent pas ; elles se complètent.

Voir l’interview avec sous-titrage en Francais :

http://www.dailymotion.com/video/65587

(…)

Animateur : Si je comprends bien, vous dites que les événements actuels représentent l’opposition de la culture occidentale au retard et à l’ignorance des musulmans ?
Wafa Sultan : Oui, c’est ce que je dis.
(…)
Animateur : Qui a inventé le concept de conflit de civilisations ? N’était-ce pas Samuel Huntington ? Ce n’était pas Ben Laden. J’aimerais évoquer le sujet, si vous voulez bien…

Wafa Sultan : Les musulmans sont les premiers à avoir employé cette expression. Ce sont les musulmans qui ont déclenché le conflit des civilisations. Le Prophète de l’islam a déclaré : ’J’ai reçu l’ordre de combattre ceux qui ne croient pas en Allah et en son Messager.’ En divisant la population entre musulmans et non-musulmans et en appelant à combattre les autres jusqu’à ce qu’ils adoptent leurs propres croyances, les musulmans ont ouvert le conflit et déclenché la guerre. Les ouvrages et programmes islamiques regorgent d’appels au takfir et au combat des infidèles.

Mon collègue a déclaré qu’il n’offense jamais autrui dans ses croyances. Quelle civilisation au monde l’autorise à donner aux autres des appellations qu’ils ne se sont pas choisies eux-mêmes ? Une fois, il les appelle ’Ahl Al-Dhimma’, une autre fois ’le Peuple du Livre’ ; une autre fois encore, il les compare à des singes et des porcs, où il appelle les chrétiens ’ceux qui éveillent la colère d’Allah’. Qui vous a dit qu’ils sont le ’Peuple du Livre’ ? Ils ne sont pas le Peuple du Livre ; ils sont le Peuple de nombreux livres. Tous les ouvrages scientifiques utiles que vous possédez aujourd’hui sont à eux ; c’est le fruit de leur libre pensée et de leur créativité. Qui vous donne le droit de les appeler ’ceux qui éveillent la colère d’Allah’ ou ’les égarés’, pour venir ensuite raconter que votre religion vous défend d’offenser les croyances d’autrui ?

Je ne suis ni chrétienne, ni musulmane, ni juive. Je suis un être humain laïque. Je ne crois pas à surnaturel, mais je respecte le droit d’autrui à y croire.

Dr Ibrahim Al-Khouli : Etes-vous hérétique ?

Wafa Sultan : Appelez-moi comme vous voudrez. Je suis un être humain qui ne crois pas au surnaturel…

Dr Ibrahim Al-Khouli : Si vous êtes hérétique, il ne sert à rien de vous faire des reproches, vu que vous avez blasphémé contre l’islam, contre le Prophète et le Coran…

Wafa Sultan : C’est un problème personnel qui ne vous concerne pas.

(…)

Wafa Sultan : Mon frère, vous pouvez croire aux pierres tant que vous ne me les lancez pas dessus. Vous êtres libre d’adorer qui vous voulez, mais les croyances des autres ne vous regardent pas, qu’ils croient que le Messie est Dieu, fils de Marie, ou que Satan est Dieu, fils de Marie. Laissez les gens croire en ce qu’ils veulent.

(…)

Wafa Sultan : Les Juifs ont derrière eux la tragédie de l’Holocauste et ont [néanmoins] obligé le monde à les respecter au moyen de leur savoir, non de leur terreur ; [ils ont forcé le respect du monde] par leur travail, non en pleurant et en criant. L’humanité doit la plus grande partie des découvertes et de la science des 19ème et 20ème siècles aux scientifiques juifs. 15 millions de personnes, éparpillées à travers le monde, se sont unies pour gagner leurs droits grâce à leur travail et à leurs connaissances. Nous n’avons pas vu un seul Juif se faire sauter dans un restaurant allemand. Nous n’avons pas vu un seul Juif détruire une église. Nous n’avons pas vu un seul Juif protester en commettant des meurtres. Les musulmans ont transformé en décombres trois statues de Bouddha. Nous n’avons pas vu un seul bouddhiste réduire en cendres une mosquée, tuer un musulman ou incendier une ambassade. Seuls les musulmans défendent leurs croyances en brûlant des églises, en tuant, en détruisant des ambassades. Cette façon de faire ne donnera aucun fruit. Les musulmans doivent se demander ce qu’ils peuvent faire pour l’humanité avant d’exiger que l’humanité les respecte."


lien : Wafa Sultan sur MEMRI TV (The Middle East Media Research Institute TV)

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Éléments d'information fournis par le site IRAN-RESIST.org

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II y a trois semaines, Dr. Wafa Sultan une psychiatre Syro-Américaine était une inconnue de Los Angeles soignant sa colère et son profond désespoir au sujet de ses coreligionnaires musulmans. Aujourd’hui, par la grâce d’une interview inhabituellement acerbe et provocante sur la chaîne Al Jazeera le 21 Février, elle est une vedette internationale, présentée par certains comme la voix pure de la raison, et par d’autres comme une hérétique et une infidèle qui mérite la mort.

Dans cette interview, qui a été téléchargée sur Internet plus d’un million de fois en deux semaines et a été transférée par mail des centaines de milliers de fois, Dr. Sultan a critiqué les musulmans, leurs saints, leurs combattants et leurs chefs politiques qui d’après elle ont déformé les enseignements de Mahomet et du Coran vieux de 14 siècles.

Elle a dit que les musulmans du monde, qu’elle compare en leur défaveur aux Juifs, se sont enfoncés dans un tourbillon d’apitoiement sur soi et de violence. Selon elle le monde n’est pas le témoin d’un désaccord des religions ou des cultures, mais d’une bataille entre barbarie et modernité, une bataille que les forces de l’islam violent et réactionnaire vont perdre.

En réponse, les ecclésiastiques musulmans du monde entier l’ont condamnée, et son répondeur téléphonique déborde de menaces de mort. Mais les réformateurs islamiques l’ont félicitée pour avoir dit, et en arabe sur le réseau télévisé le plus vu du monde arabe, ce que peu de musulmans osent dire même en privé.

«Je crois que nos peuples sont otages de leur propre croyance et des enseignements», a-t-elle dit à une journaliste cette semaine à Los Angeles.

Dr. Sultan, 47 ans, porte un polo et une jupe très élégante, avec des chaussons fourrés et de grosses chaussettes. Ses yeux et ses cheveux sont d’un noir vif et ses manières simples contrastent avec ses intenses paroles : «la connaissance m’a libérée de cette pensée rétrograde. Quelqu’un doit nous aider à libérer le peuple Musulman de ces croyances erronées

Peut-être ses mots les plus provocateurs sur Al Jazeera sont ceux qui comparent l’attitude des Juifs et des Musulmans face à l’adversité. Evoquant l’Holocauste, elle a dit : «Les Juifs sont sortis de cette tragédie et ont forcé le monde à les respecter, par leur travail de mémoire, et non par leur terrorisme ; par leur labeur, et non par leurs lamentations et leurs cris.»

S’adressant aux musulmans, elle a continué : «Nous n’avons jamais vu un seul juif se faire exploser dans un restaurant allemand. Nous n’avons jamais vu un seul juif détruire une église. Nous n’avons pas vu un seul juif protester en tuant des gens».

Elle a conclu : «Seuls les musulmans défendent leur croyance en brûlant des églises, en tuant des personnes et en détruisant des ambassades. Cette voie ne donnera aucun résultat. Les musulmans doivent se demander ce qu’ils peuvent faire pour l’humanité, avant d’exiger que l’humanité les respecte».

Ses idées ont attiré l’attention du Congrès Juif Américain, qui l’a invitée à s’exprimer en Mai à l’occasion d’une conférence en Israël. «Nous avons discuté avec elle de l’importance de son message et prévu un rendez-vous pour qu’elle s’adresse aux chefs juifs», dit Neil B. Goldstein, directeur général de l’organisation.

Elle est sans doute la bienvenue à Tel Aviv, plus qu’elle ne le serait à Damas. Peu après l’émission, des religieux Syriens l’ont dénoncée comme infidèle. L’un d’eux a dit qu’elle avait infligé à l’Islam plus de dommages que les caricatures Danoises se moquant du prophète Mahomet !

Mme Wafa Sultan travaille actuellement à la rédaction d’un livre qui s’il trouvait un éditeur ferait se retourner le monde islamique. «J’ai atteint un point de non-retour qui ne permet pas de revenir en arrière, je n’ai plus le choix. Je remets en cause chaque enseignement de notre Livre Saint». Le titre prévu est Le prisonnier échappé : Quand dieu est un monstre.

Dr. Sultan a grandi dans une famille musulmane traditionnelle de Banias en Syrie, petite ville sur la Méditerranée à deux heures de Beyrouth. Son père était un négociant en céréales et un musulman dévot, et elle a suivi les préceptes religieux jusqu’à l’âge adulte.

Mais, elle dit que sa vie a basculé en 1979 quand elle était étudiante en médecine à Alep. À cette époque, le groupe radical des Frères Musulmans utilisait le terrorisme pour tenter de saper le gouvernement du Président Hafez al-Assad. Un jour les des membres des Frères Musulmans sont entrés dans une salle à l’université et ont tué son professeur sous ses yeux.

«Ils ont tiré des centaines de balles en criant : Dieu est grand ! (Allah Akbar)» et elle ajoute, «à ce moment précis,j’ai perdu la foi en leur dieu, et commencé à remettre en question tous nos enseignements. C’était le tournant de ma vie, et cela m’a amenée à la situation présente. J’ai dû partir. J’ai dû rechercher un autre dieu».

Elle et son mari, qui a maintenant américanisé son nom en David, ont dressé des plans pour partir aux Etats-Unis. Leurs visas sont arrivés finalement en 1989, et les Sultan et leurs deux enfants (ils en ont eu un troisième depuis), se sont installés avec des amis à Cerritos en Californie, une communauté prospère en limite du comté de Los Angeles.

Après une succession de métiers et de problèmes de langue, Dr. Sultan a terminé sa licence de médecine. Wafa et David Sultan ont acheté une maison dans la région de Los Angeles et mis leurs enfants dans les écoles locales.

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Mais alors même que le Dr. Sultan s’installait dans une vie confortable de classe moyenne Américaine, la colère grondait en elle. Elle a commencé à écrire, d’abord pour elle avant de s’occuper d’un site réformateur de l’islam «Annaqed» (la critique) crée par un syrien expatrié à Phoenix. Un de ses essais sur les Frères Musulmans a attiré l’attention d’Al Jazeera qui l’a invitée à discuter avec un ecclésiastique algérien en juillet.

Au cours de la discussion, elle a remis en cause les enseignements religieux qui incitent les jeunes à se suicider au nom de dieu. Elle lui a demandé «pourquoi un jeune musulman, avec la vie devant lui, doit-il se faire exploser ? Dans nos pays, la religion est l’unique source d’éducation et est la seule boisson dont le terroriste a été abreuvé jusqu’à ce que sa soif soit étanchée».

Ses remarques ont suscité des débats dans le monde entier et son nom a commencé à apparaître dans les journaux et les sites Internet Arabes. Mais sa réputation s’est accrue de façon exponentielle lorsqu’elle est réapparue sur Al Jazeera le 21 Février, une intervention qui a été traduite et largement diffusée par l’Institut de Recherche sur les Medias du Moyen-Orient, connu sous le nom de Memri.

Memri a dit que la vidéo de son intervention de février a été regardée plus d’un million de fois.

«Le choc dont nous sommes témoins sur terre n’est pas un choc des religions ou un choc des civilisations, c’est un choc entre deux opposés, entre deux ères. C’est un choc entre une mentalité qui appartient au Moyen Age et une mentalité différente qui appartient au XXIe siècle. C’est un choc entre la civilisation et le retard, entre civilisé et primitif, entre barbarie et rationalité». Elle a dit qu’elle ne pratique plus pratique l’islam. «Je suis un être humain laïque».

L’autre invité était un professeur égyptien des études religieuses, Ibrahim Al-Khouli, qui lui a lancé, «êtes-vous une hérétique ?», ajoutant qu’il n’avait aucune raison de discuter (avec une hérétique), parce qu’elle avait blasphémé contre l’Islam, le prophète Mohamed et le Coran !

Dr. Sultan a dit qu’elle a pris ces mots comme une fatwa formelle, une condamnation religieuse. Depuis lors, elle a dit avoir reçu de nombreuses menaces de mort sur son répondeur et par e-mail.

Un message sur répondeur :  Vous êtes encore vivante ?  Attendez et vous verrez !
Un message mail, en arabe :  Si quelqu’un devait vous tuer, ce serait moi.

Dr. Wafa Sultan a dit avoir peur de contacter sa mère qui vit toujours en Syrie, préférant passer par sa soeur résidant au Qatar. Elle dit qu’elle se fait plus de soucis pour la sécurité des membres de sa famille ici et en Syrie que pour elle-même.

«Je n'ai pas peur, je crois en mon message. Il est comme un voyage d'un million de kilomètres, et je crois que j'ai parcouru les premiers 10 km, les plus durs».

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Wafa Sultan

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PRIMO EUROPE
 

Les murs de nos prisons

Interview de Wafa Sultan à la télévision danoise,
le 30 septembre 2006


Question :  Bienvenue, Wafa Sultan.  Selon vous qu’y a-t-il eu de positif dans la crise des caricatures ?

Wafa Sultan : Merci beaucoup de me recevoir dans votre émission. Nous en tant que musulmans, nous avons été otages de notre propre système, otages de croyances ; depuis des siècles nous avons été otages de notre propre prison. Nous n’avons jamais entendu d’autres voix, des voix venant du dehors ; nous ne sommes pas habitués à entendre d’autres voix. Il nous est à peine permis d’entendre notre propre voix. Alors je vois la publication des caricatures comme la première fissure dans les murs de notre prison, parce que, en tant que prisonnier, il est quasiment impossible de mettre à bas les murs de notre prison. Vous avez besoin de quelqu’un à l’extérieur pour vous aider à le démolir.

Question : Mais vous considérez-vous comme une prisonnière ?

Wafa Sultan : Oui ; j’étais une prisonnière ; j’étais une prisonnière ; vivre aux USA pendant 17 ans m’a libérée, m’a aidée à sortir de la boîte et nous devons en faire sortir aussi les musulmans vivant dans les pays islamiques. Nous devons leur apprendre comment écouter d’autres gens, d’autres opinions, même s’ils n’aiment pas ce qu’ils entendent.

Question : Ce que vous êtes en train de dire, c’est que les caricatures ont aidé beaucoup de gens au Moyen-Orient ?

Wafa Sultan : Absolument. Je vois cela comme un pas dans la bonne direction.

Question : Mais qu’en est-il des aspects négatifs de la crise des caricatures ?

Wafa Sultan : Je n’en vois aucun. Publier des caricatures et des critiques encore et encore poussera les musulmans à examiner de plus près leur religion et c’est le seul moyen d’améliorer notre culture, d’améliorer notre religion. Nous devrions être heureux d’entendre la façon dont les autres perçoivent notre religion de telle sorte que nous puissions l’améliorer.

Question : Mais la crise des caricatures n’a-t-elle pas, au contraire, radicalisé les musulmans du Moyen-Orient plutôt que de leur faire...

Wafa Sultan : C’est peut-être ce qu’il semble, mais sur le long terme, ça ne sera pas le cas. Vous êtes en train d’aider les musulmans à s’habituer à la critique, parce que je crois que l’islam, comme tout autre religion, n’est pas au-dessus de la critique. Il y a tant de gens qui critiquent le christianisme, le judaïsme, et ... qui s’en soucie ? Alors, pourquoi n’en serait-il pas de même avec l’islam ?

Question : Mais que... je veux dire, vous êtes très critique envers l’islam bien que née et élevée dans cette religion. Qu’est-ce que fait que vous soyez si critique envers l’islam ?

Wafa Sultan : Je crois que le problème de l’islam est profondément enraciné dans ses enseignements. L’islam n’est pas seulement une religion, l’islam est aussi une idéologie politique, qui prêche la violence et applique son programme par la force. Je n’ai jamais critiqué la part religieuse de l’islam. Je respecte la partie religieuse autant que je respecte toute autre religion. Mais je crois que nous devons extirper la politique de l’islam et confiner l’islam - en tant que religion - aux lieux de culte et aux foyers. C’est la seule solution.

Question : Au lendemain de la crise des caricatures, quelle est la force, selon vous, des musulmans modérés   dans le monde arabe ?

Wafa Sultan : Je crois que l’appellation de modérés n’est pas correcte ; je ne crois pas qu’il y ait de musulman modéré. Je crois qu’il y a des modérés en terme de culture, des musulmans culturels (modérés), mais pas en ce qui concerne la religion parce qu’en islam, vous DEVEZ croire à TOUS les préceptes comme étant sacrés. Vous ne pouvez pas les changer, vous devez les accepter comme ils sont, sinon vous n’êtes tout simplement pas musulman..

Question : Mais s’opposer  à l’islam - les préceptes religieux et les préceptes  politiques de l’islam en particulier - comporte toujours une certaine menace pour celui qui le fait, comme vous.

Wafa Sultan : Oui.

Question : Quelles en ont été les conséquences personnelles pour vous ?

Wafa Sultan : Je reçois des menaces de mort quotidiennement, mais au plus profond de moi, je me sens en paix, vous savez. Je n’ai pas peur.

Question : Vous êtes en  paix avec ce que vous faites ?

Wafa Sultan : Absolument. Je crois en ce que je fais, et j’ai décidé de continuer à le faire jusqu’à la fin de mes jours même si je dois sacrifier ma propre vie parce que je crois que nous sommes ici pour une raison et nous n’avons qu’une vie. Il faut donc bien l’utiliser. Vous devez être ici pour une bonne raison. Vous savez, je crois que nos pères, nos grands-pères, nos aïeux ne nous ont légué que des problèmes ; alors pourquoi aurions-nous à laisser le même problème à la génération (suivante) ? Pourquoi ? Nous devons faire quelque chose.

Question : Mais vous avez dit au début qu’une fissure avait été ouverte dans le mur par le Jyllands-Posten et les 12 caricatures.

Wafa Sultan : Oui.

Question : Pensez-vous que cette fissure s’agrandira, que le mur...

Wafa Sultan : Aucun doute quant à cela. Ça se produira, aucun doute. Je ne... Écoutez, la mentalité musulmane a été façonnée au cours de 14 siècles, sans aucune remise en question, alors il n’est pas facile de changer cette mentalité du jour au lendemain ; ça prendra longtemps et énormément d’efforts. Mais à la fin, nous obtiendrons des résultats positifs. Nous devons être optimistes là-dessus. Nous devons avoir de l’espoir pour aller de l’avant. Je n’abandonnerai jamais espoir quelles que soient les circonstances.

Question : Même si les forces radicales dans le monde arabe - en Égypte, en Irak ou en Syrie, votre propre pays - semblent gagner des forces à l’heure actuelle ?

Wafa Sultan : Je ne suis pas surprise de leurs réactions, parce qu’ils n’ont jamais entendu d’autres voix ; c’est, je crois, une réaction très naturelle. Mais plus vous le ferez, plus ils s’habitueront à cela. Alors, continuez simplement dans cette voie.

Question : Pensez-vous que l’islam ait un rôle à jouer dans le monde moderne ?

Wafa Sultan : Bien entendu, mais pas dans son état actuel. J’ai une opinion très différente   sur ce point et beaucoup d’amis m’ont conseillé de polir mon message et d’adoucir ma façon de dire ces choses. J’ai essayé mais je n’y arrive pas. Je perçois la vérité comme étant nue et je crois qu’il est plus important de la laisser nue. Je ne peux pas, pour l’enjoliver, lui mettre une plus belle robe. Alors, je vais le dire franchement comme j’ai fait jusqu’ici. Je ne crois pas que l’islam puisse être réformé. Je n’y crois vraiment pas. Je crois que l’islam sera transformé et il faudra des chefs religieux intrépides et des gens très fin pour conduire à cette transformation. Si l’islam était transformé, alors oui, il aurait une rôle et jouer dans notre monde.

Question : Mais voyez-vous de tels leaders et de telles personnalités intellectuelles quelque part   dans le monde arabe ?

Wafa Sultan : Il faut que nous fassions davantage pression sur eux s’ils affirment qu’ils peuvent réformer l’islam, il faut que nous les mettions au défi. Prouvez-nous, prouvez-moi que j’ai tort et faites-le. S’ils pensent, s’ils déclarent qu’ils peuvent réformer l’islam, nous devons leur donner l’opportunité de le faire et nous devons faire davantage pression sur eux pour qu’ils le fassent. Nous devons les encourager à le faire. Une fois l’islam transformé, nous serons dans la bonne direction. Une fois qu’il sera transformé, à ce moment, l’islam sera capable de jouer un rôle positif dans nos vies.

Question : Wafa Sultan, vous êtes au début d’une très longue route. Merci beaucoup d’être  venue.

Wafa Sultan : C’était un plaisir d’être ici. Merci beaucoup.


Original en anglais. © Maryse Haslé, ReSPUBLICA n° 478 (journal de la Gauche Républicaine), traduction Pistache


الناقــد
annaqed (la critique)


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14 décembre 2006

L'islam doit rompre avec sa fascination du politique

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un islam trop souvent dominé par le politique



L'islam doit rompre

avec sa fascination du politique

Michel RENARD (novembre 2001) *


Après le 11 septembre, la question du rapport au politique se pose en termes redoutables pour un croyantimages_1 musulman. La filiation idéologique du terrorisme de type Ben Laden avec le "fondamentalisme" et l'islam politique, est établie même si ces deux références ne conduisent pas automatiquement à l'extermination programmée des innocents. Que faut-il donc réformer de la théologie musulmane pour creuser un clivage étanche face à ces dérives ?


À la base, les Frères Musulmans
Les idées selon lesquelles la totalité des sociétés vivent en état d'ignorance impie (jâhiliyya), qu'elles sont gouvernées par des tyrans (tâghût) et qu'il faut les renverser par le jihâd pour leur substituer un Étathassan_al_bann__1 islamique, forment la matrice de cet islam politique. Les égyptiens Hassan al-Bannâ [photo], fondateur des Frères Musulmans en 1927, et Sayyid Qutb, relayé par le pakistanais Mawdûdî, ont formulé une conception idéologisée d'un islam identitaire et englobant. Selon ces auteurs, son triomphe passe par la voie politique dans laquelle l'homme est l'instrument de la "souveraineté de Dieu", et débouche sur l'imposition de la Loi divine (sharî‘a) instaurant une société purifiée.

L'islam politique de Hassan al-Bannâ
Hassan al-Bannâ n'est pas un auteur oublié. En France, aujourd'hui, de grandes organisations musulmanes albannase réclament de lui, et un orateur comme Tariq Ramadan en est le thuriféraire habile auprès d'un public de jeunes musulmans. Or, il faut rappeler ses positions pour mesurer leur écart avec un islam qui, sans hypocrisie, accepterait la laïcité : "L'islam est à la fois religion et pouvoir, adoration et commandement. Coran et épée unis de manière indéfectible. (...) Dire que la religion est une chose et la politique en est une autre, est une prétention que nous combattons par tous les moyens. (...) L'islam auquel croient les Frères musulmans fait du pouvoir politique l'un de ses piliers... Dans nos livres de droit musulman, le pouvoir politique est un article de foi et un tronc et non une élaboration juridique et une branche. (...) Pensez-vous que le musulman qui accepte la situation présente, qui se consacre à l'adoration, et laisse le monde et la politique aux impuissants, aux criminels, aux étrangers et aux impérialistes peut être considéré comme musulman ? Non, il ne le peut pas. Il n'est pas musulman. Car l'islam authentique est à la fois djihad et action, religion et État." (1)


Réaffirmer l'islam religion
La trajectoire historique de l'islam politique a pris fin dans les tours du World Trade Center. La conscience musulmane doit se ressourcer dans une théologie issue de ses meilleures traditions pour réaffirmer un islam religion. Quelques pistes de réforme :

1) Recentrer la religion sur la verticalité du rapport à Dieu. L'islam est d'abord une religion de salut pour laquelle "nulle âme ne portera le fardeau d'une autre" (Coran). C'est seul que le croyant se présentera devant le Seigneur. Dans le triptyque Foi (dogme et croyances), Loi (norme) et Voie (spiritualité), il importe de reconsidérer désormais la foi et le cheminement spirituel délaissés au profit d'une obsession de la norme.

mihrab_sheikhlotfollah
recentrer la religion sur la verticalité du rapport à Dieu
mihrab de la mosquée du Cheikh Lotfollah à Ispahan (Iran)

2) Réhabiliter les thèses de la théologie musulmane qui permettent l'évolution. Par exemple, la thèse du Coran créé, soutenu par le courant mutazilite contre celle du Coran incréé (qui n'est pas une obligation de foi), réinscrit le Texte dans l'histoire et autorise une lecture selon ses finalités contre tout fixisme juridique. Autre exemple la thèse de la licéité originelle, formulée entre autres par le grand soufi Ibn Arabî explique que l'homme n'a pas à combler les silences de Dieu car "ce que la Loi tait n'est pas plus fortuit que ce qu'elle énonce" En conséquence domine le principe de licéité. Or, sur le politique, le Coran est muet : "l'État islamique" n'est qu'une idée humaine n'ayant aucune valeur religieuse intemporelle.

3) Rappeler la thèse musulmane d'une distinction du spirituel et du temporel exposée doctrinalement par le cheikh Ali Abderraziq en 1925. La réfutation circonstancielle de cet auteur par l'autorité religieuse d'al-Azhar n'invalide pas une argumentation solidement basée sur le Coran. Sa postérité, dans le domaine politique, pourrait être comparable à celle d'Averroès dans le domaine philosophique.
Son idée principale est que l'islam est un message de Dieu et non un système de gouvernement : "Ils ont fait de toi un roi, ô Prophète de Dieu, car ils ne reconnaissent aucune dignité plus élevée !". On pourrait lui trouver des précédents dans la pensée musulmane. Selon Hassan al-Basrî (mort en 728), qui appartenait à la catégorie des Suivants des Compagnons du Prophète, tout croyant se devait d'exprimer le jugement de sa propre conscience sur celui de ses chefs dont il réprouvait la conduite : la distinction du spirituel et du politique était ainsi stipulée.

4) Relativiser la validité théorique du califat (ou imâmat). Des auteurs incontestés ont souvent déclaré qu'il n'était pas une question de foi. Le théologien et juriste Al-Juwaynî que sa renommée a fait surnommer l'imam des Deux sanctuaires (la Mecque et Médine) écrivait au XIe siècle : "La question de l'imâmat n'est pas une des bases de la croyance". Et le grand Ghazâlî (mort en 1111) : "La question de l'imâmat ne peut pas être rangée parmi les questions importantes ou les questions rationnelles. Elle relève plutôt du fiqh et est la source de nombreux conflits". En réalité, dans le monde musulman aussi, le politique a émergé pour répondre à des nécessités très profanes, et les ulémas n'ont fait que théoriser et légitimer des pouvoirs de fait.

5) Abandonner la conception "identitaire" de l'islam, telle que la développent le mouvement fondamentaliste Tabligh ou un auteur comme Tariq Ramadan sur la base d'une imitation littéraliste du Prophète. Pour eux, l'islam est un mode de vie et la marginalité vestimentaire qu'ils prônent (voile pour les unes, barbe pour les autres...) est en réalité une stratégie de refus de l'intégration culturelle à la société, qui n'a strictement aucun fondement religieux. Elle a pour but d'habituer celui qui s'y soumet à vivre en état de dislocation mentale à l'égard de ce qui ne provient pas directement de sa "communauté" et alimente une occidentalophobie haineuse.
Or, comme le disait Soheib Bencheikh, le Prophète n'a jamais vécu comme un marginal dans son milieu. L'imiter consiste donc, d'abord, à ne pas vivre comme un marginal dans sa propre société. L'islam n'est pas une identité mais une foi, un rite, une spiritualité. Et sa théologie doit le proclamer

Michel RENARD
directeur de la revue Islam de France


1 - Cité par l'intellectuel égyptien Rifaat el-Saïd, in Contre l'intégrisme islamiste, Maisonneuve et Larose, 1994, p. 42. On trouve également ces textes de Hassan al-Bannâ dans le livre d'Olivier Carré et Michel Seurat, Les Frères Musulmans, 1928-1982, L'Harmattan, rééd. 2002.

* article envoyé à l'hebdomadaire La Vie, suite à une commande, et publié, sous une forme quelque peu réduite, en novembre 2001.

012
Le voyage nocturne du Prophète, Nezâmi, Khamseh (Les Cinq Poèmes)
Bâghbâd (Turkménistan) [et Ispahan, Iran], 1619-1624
Papier, 368 f., 29,5 x 20,5 cm
Provient de l'interprète et consul Jean-Baptiste Nicolas ; acquis par la Bibliothèque Nationale en 1877
BNF, Manuscrits orientaux, supplément persan 1029, f. 4 v°  (source)
   



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10 décembre 2006

Réponse à Bernard Dréano (Michel Renard)

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Réponse à Bernard Dréano

un pas de plus dans la compromission
avec les valeurs réactionnaires et anti-démocratiques
des islamistes...!

Michel RENARD



* Après lecture de l'article de Bernard Dréano*, intitulé "Les doubles machoires du piège" sur Oumma.com (dimanche 12 février 2006)

Et un pas de plus dans la compromission avec les valeurs réactionnaires et anti-démocratiques des islamistes...!

Après la laïcité (islamophobe, bien sûr) et les droits des femmes (qu'il faut culturaliser pour leur être mieux fidèles, bien sûr), voilà la liberté d'expression qui est brocardée au nom d'une alliance sans principes avec les petits soldats du fondamentalisme Frère Musulman.

Bravo...! quel chemin pour un leader de l'anti-impérialisme des années 1980. Et quelle conclusion ne sème-t-on pas dans les esprits... Car si une défense rigoureuse de la laïcité, des droits des femmes et de la liberté d'expression conduit à être placé dans le camp "islamophobe" et "raciste", quelle raison d'être "islamophile" (éventuellement), "anti-raciste" et "anti-impérialiste" ?

Le Cedetim recruterait-il désormais pour de Villiers ?

Et la compromission ira s'accentuant car vous n'avez plus de principes, donc plus de moyens de raisonner face à la logique des fondamentalistes qui, eux, ont une logique et des principes. Votre seule préoccupation, c'est le "terrain", la "base de masse" censée être celle des islamistes dans la jeunesse. Vous êtes donc conduits à fermer les yeux sur ce que révèle, peu à peu, ce mouvement de ses convictions profondément réactionnaires. Cela ne rappelerait-il pas la politique suicidaire du Parti communiste allemand sous la République de Weimar ?

On prétend : "lutter aux cotés de ceux qui sont opprimés par ces cléricalismes"... Mais, la réalité, c'est qu'ils sont surtout opprimés par des appareils politiques et des clans prédateurs, et cherchent, justement dans ces cléricalismes, les catégories idéologiques de leur combat. On me répondra peut-être, comme le faisaient les anciens maoïstes : "contradiction principale et contradictions secondaires"... à moins que vous ne soyez carrément passés sur les positions politiques et culturelles des islamistes ? En tout cas des "islamistes" que vous qualifiez "d'ouverts". Mais "ouverts" à quoi ? "ouverts" à quelle régression des principes démocratiques ?

Quand les islamistes reprochent aux États arabo-musulmans leur manque de démocratie, cela signifie : le manque de démocratie à leur égard. Mais quand ils parviennent au pouvoir, que font-ils de la démocratie ? Ils la remisent au magasin des accessoires et imposent les dispositions profondément réactionnaires de la "charî‘a". Et qu'on ne vienne pas me parler du régime "républicain" en Iran : le suffrage universel n'a pas le pouvoir de désigner les vrais dirigeants du pays...!

Voilà où vous en êtes arrivés, le Cedetim, les altermondialistes pro-Ramadan, etc. : à justifier les limites à la liberté d'expression - limites que revendiquent les islamistes et tous les fondamentalistes...! Vous auriez embastillé Voltaire !

Quant à la manière de  "mener la lutte pour la liberté de conscience et pour la liberté d'expression, l'une et l'autre et pas l'une contre l'autre", la formule est illusoirement facile...

Dans la réalité, on peut être amené, pour défendre la liberté de conscience de tous, à restreindre la liberté d'expression dans certains espaces : c'est le cas de la loi prohibant les signes religieux à l'école (laïcité). Ou bien, pour défendre la liberté d'expression de tous, non pas de restreindre la liberté de conscience (car elle n'est pas menacée par ces caricatures), mais d'empêcher l'exclusivisme d'une certaine conscience d'infliger ses propres critères aux autres : c'est le cas de la défense de la liberté d'expression à l'égard des religions ou des idéologies.

Michel Renard, directeur de
l'ex-revue Islam de France


* Bernard Dréano est dirigeant du Cedetim et d'un réseau appelé (avec quelle légitimité ?) "l'Assemblée européenne des citoyens". Il est signataire de l'appel des "Indigènes de la République" et a participé au collectif anti-laïcité "Une école pour tous-tes".


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Bernard Dréano, à droite

 


 

Réponse de Bernard Dréano

Bernard DRÉANO, par courriel


21816_tnOrganisateur de rencontres avec Salman Rushchdie du temps ou des centaines de tueurs étaient à ses trousses, compagnon de combat de militants afghans ou irakiens tués par les islamistes radicaux, toujours engagé dans la lutte contre les fascistes de l'extrémisme islamique, (y compris et surtout en France), je ne vois pas pourquoi je devrais maintenant ipso facto m'enroler dans l'Union Sacrée islamophobe à la manière de Philippe Val et consort.

Évidemment il est plus simple de m'attribuer des positions idiotes que d'argumenter. Moi je part des pratiques réelles des gens rééls ce qui me conduit, sur le terrain à combattre par tous les moyens les djihadistes enragés et les conservateurs tablighis, à lutter politiquement, avec mes amis musulmans, chrétiens ou athés, ici ou la bas, contre les frères musulmans tendance Hamas ou PJD, et pas à esquiver ces luttes au nom de la "laïcité" contre tous les musulmans.

Je prèfère toujours la laïcité et l'anticolonialisme de Jaures et de Louise Michel à celles de Combes et de Jules Ferry.

Mais libre à vous de préférer l'Union sacré et de croire que Tariq Ramadan est un fils naturel d'Hitler...

Sera-t-il possible un jour de parler de ces questions sérieusement?

Bernard Dreano






Réponse à la réponse

Michel RENARD


"Organisateur de rencontres avec Salman Rushdie du temps ou des centaines de tueurs étaient à ses trousses"... c'est bien ce que je dis : les temps ont changé. Demandez donc à vos "alliés islamistes ouverts" ce qu'ils pensent de Rushdie... Ils l'exècrent comme les auteurs des caricatures, comme ils exècrent les modernistes musulmans tels l'égyptien Nasr Abû Zaid condamné à l'exil. Ce sont les mêmes qui manifestaient contre Rushdie et qui se démènent aujourd'hui contre la publication des caricatures.


Il n'y a pas plus "d'Union sacrée" aujourd'hui qu'il y en a eu au moment du NON au traité constitutionnel. L'amalgame est trop simple. On peut défendre la liberté d'expression sans épouser les positions de Philippe Val ou celles de de Villiers...


Vous dites : "combattre par tous les moyens les djihadistes enragés et les conservateurs tablighis, à lutter politiquement, avec mes amis musulmans".

Cette caractérisation est intellectuellement fantaisiste :

- faut-il seulement combattre les djihadistes "enragés" ? les autres, qui sont-ils ? existe-t-il des djihadistes "modérés" ?

- en admettant qu'on ait voulu dire que tous les djihadistes étaient enragés, qu'est-ce qui les sépare des autres islamistes, sur le fond ? Le passage à l'acte, me direz-vous. Mais les différences d'appréciation sur le passage à l'acte ne relèvent que de l'opportunité, ne relèvent que d'évaluations divergentes du rapport des forces et des étapes dans un combat général qui, pour tous les fondamentalistes, est perçu comme devant déboucher sur un État islamique appliquant la sharî‘a. Cela est-il admissible ?

- les "conservateurs tablighis" sont, peut-être plus conservateurs que les islamistes dans le sens où ils refusent tout rôle à la femme (sauf celui de faire la cuisine pendant que les hommes effectuent les "khourouj", sortie missionnaire...!), mais tous s'entendent pour une nette séparation des hommes et des femmes dans la société, et la subordination de ces dernières aux premiers. Les "amis musulmans" du Cedetim fondent leur pensée sur celle de Hassan al-Bannâ pour qui «la société musulmane n'est pas une société mixte, mais une société monosexuelle ; il y a donc des "sociétés pour les hommes" et des "sociétés pour les femmes". La mixité est pour lui une coutume importée de l'Occident, donc étrangère à l'islam» selon la sociologue Leïla Babès.

- j'aimerais bien savoir comment on peut lutter "contre les frères musulmans tendance Hamas" et faire alliance avec les partisans de Tariq Ramadan qui exultent à la victoire électorale du Hamas.

Quant à l'anticolonialisme de Jaurès... il faut le tempérer par son approbation de l'occupation de la Tunisie, par le fait qu'il a toujours soutenu Jules Ferry dans l'affaire du Tonkin... Même après son ralliement au socialisme en 1893, son attitude "anticoloniale" n'est pas évidente. En 1898 il écrit : "Si quelques fous songeaient à dépouiller la France de son domaine colonial, toutes les énergies françaises et toutes les consciences droites dans le monde se révolteraient contre une pareille tentative" (9 novembre). En 1903, il déclare à la Chambre : "Oui il est à désirer, dans l'intérêt même des indigènes du Maroc comme dans l'intérêt de la France, que l'action économique et morale de notre pays s'y prolonge et s'y établisse" (20 novembre). Jules Ferry aurait dit la même chose... et Eugène Étienne, du parti colonial, partageait de telles vues.

Et si Ferry avait dit "races inférieures" (sans qu'il n'y ait ni le mépris ni le "racisme" dont ces termes furent porteurs plus tard), Jaurès, lui, parlait de "peuples enfants". La croyance en un "devoir de civilisation" était commune à Ferry et à Jaurès.

Quant à Émile Combes, il fut, lorsqu'il était sénateur, l'auteur d'un rapport sur les médersas qui enjoignait de restaurer l'enseignement religieux dans ces écoles franco-arabes en Algérie. Comme quoi, les convictions laïques les plus fortes ne sont pas synonymes d'islamophobie...!

"Tariq Ramadan, fils naturel d'Hitler". Étrange coïncidence... Je viens de lire le roman de Harry Mulish, Siegfried. Une idylle noire (Folio, octobre 2005) dans lequel il est question du fils du Führer et d'Éva Braun... Mais passons...

Je n'ai jamais dit ni écrit une telle chose à propos de Ramadan. J'ai seulement rappelé qu'il ne reniait rien de sa filiation, c'est-à-dire la pensée de Hassan al-Bannâ, et que celui-ci ayant dit que l'islam est «la religion qui contient un gouvernement», on ne pouvait ensuite, sans rétention mentale ni esprit manoeuvrier, approuver sincèrement la laïcité qui dit que religion et gouvernement sont deux sphères distinctes.

J'ai également souligné que la référence mondiale des Frères Musulmans et de Tariq Ramadan est le cheikh Qaradawî qui écrit : «L'Islam rejette totalement cette fragmentation entre ce qu'on appelle religion et ce qu'on appelle l'État : du point de vue de l'islam, tout relève de la religion, tout relève de la Loi». Comment peut-on avoir pour "amis" (au sens politique, j'entends) de tels partisans du totalitarisme religieux...?

Aucun des dirigeants du Cedetim, ni aucun leader altermondialiste, qui ont fait alliance avec Tariq Ramadan, n'ont jamais répondu "sérieusement" à ces questions.

Michel Renard
directeur de l'ex-revue Islam de France

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7 décembre 2006

Le silence des musulmans modérés (Bernard Kaykel, 2002)

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Le silence des musulmans modérés (2002)

Bernard HAYKEL

 

 

june18_hostage_bernard2par Bernard Haykel, professeur à l'Université de New York, chargé des études sur le Moyen Orient – site www.dawn.com email bernard.haykel@nyu.edu

Article paru dans la presse américaine le 5-12-2002

Traduit par Albert Soued, écrivain - site www.chez.com/soued

 

Nous sommes nombreux aux États-Unis à être déconcertés par le silence apparent des Musulmans modérés depuis les événements du 11 Septembre 2001.

En dehors des premières condamnations d'intellectuels réputés de l'Islam, la plupart des Musulmans010911_10 semblent avoir accepté la prise en otage de leur religion par les extrémistes.

On appelle "modérés" ceux qui en principe rejettent l'usage de la force et de la violence aveugle pour faire aboutir des objectifs politiques. Or ces "modérés" n'ont pas encore pris position contre les attentats terroristes, ni dans les journaux ni dans les médias audiovisuels.

Il y a néanmoins quelques exceptions notables, comme Khaled Abou el Fadl de l'UCLA qui a d'emblée condamné l'Islam radical. Mais ces rares voix en Occident n'ont pas eu un écho dans le monde musulman. Bien au contraire la majorité de ce monde a montré son scepticisme et a même nié l'implication de leurs frères dans les attaques terroristes. Ils sont allés même jusqu'à inventer un "complot sioniste".

Cet été j'ai fait un grand voyage à travers le Moyen Orient et l'Asie pour rencontrer des érudits de l'Islam, et j'ai donc visité des mosquées, des écoles coraniques, des librairies et des magasins vidéo, tout en regardant les programmes des télés locales ou à satellites et leurs invectives. J'ai feuilleté dans les librairies une documentation considérable sur Osama Ben Laden, et la majorité des écrits ne tarissent pas d'éloges à son égard, tout en imputant la responsabilité des événements aux "militaires américains et aux forces secrètes menées par des Juifs…!"

La perception de ces événements est rapportée d'une manière exemplaire par cet employé saoudien de la "Ligue du Monde Musulman" qui me confia que tout ce qui s'est passé aux États-Unis en septembre 2001 avait pour seul but d'"affaiblir et de détruire l'Islam"!

Pourtant peu de gens rencontrés ont manifesté une satisfaction quelconque devant l'ampleur du drame, mais ils appuyaient sans retenue Al Qaeda. Un juriste de Deoband en Inde, est allé jusqu'à dire par exemple que s'il était prouvé que Osama Ben laden était responsable des attaques subies par les Américains, aucun tribunal islamique ne pourrait le condamner, car il aurait agi conformément aux convictions exprimées par d'éminents juristes musulmans.

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J'ai aussi rencontré des Musulmans modérés qui ont condamné ces actes qui ont terni l'image de l'Islam, mais ils prétendent que ce n'est le fait que d'une minorité, qui ne représente pas le principal courant de l'Islam. Mais quand je leur demandais s'ils avaient exprimé leur point de vue à haute voix dans les médias, ils se sont contentés de hausser les épaules. Comment interpréter alors ce silence?

La raison évidente de ce silence est que al Qaeda, par ses attaques répétées et la réaction militaire américaine qu'elles ont entraînées, a réussi à instillé dans l'esprit des Musulmans que l'Amérique est le principal ennemi de la nation musulmane (ouma). De plus, cette conviction est confirmée par l'appui inconditionnel apporté par les États-Unis au gouvernement Israélien dans sa lutte contre la guerre d'usure, appelée "intifada", et par les préparatifs d'invasion de l'Irak.

Les Musulmans se sentent attaqués directement sur le plan militaire et sur de nombreux fronts. Un intellectuel indien musulman de Nadwat al Oulema, le fameux séminaire de Lucknow, exprime son sentiment en disant qu' "une alliance mondiale a été formée par les Etats-Unis, un arc qui va du fondamentalisme hindou de l'Inde, à travers la Chine, la Russie et aboutit aux Etats-Unis, et dont le but est d'encercler et puis d'étouffer le monde islamique". À travers mes pérégrinations, j'ai noté un niveau de haine insoupçonné, non seulement provoqué par la politique américaine, mais surtout par l'exportation de ses valeurs. Face à un ennemi aussi puissant, les Musulmans préfèrent ne pas laver leur linge sale en public et ne pas s'engager dans des récriminations mutuelles ou des polémiques. Et les sermons des mosquées, les émissions de radio et de télévision insistent plutôt sur la nécessité de rester fermes et unis contre l'ennemi commun. Certains religieux shiites préconisent même un boycott des produits américains. Des posters et des "fatwas" exhortant un tel boycott ont été placardés à Beyrouth-Ouest pendant le mois de Juillet. C'est pour ces raisons que toute critique des extrémistes est considérée comme une trahison de la cause de la "Oumah" (communauté mondiale musulmane).

pic03Il y a également des raisons historiques au silence des musulmans modérés. Lors du dernier demi siècle, ces modérés ont été progressivement marginalisés aux franges de la société politique et intellectuelle, par une nouvelle génération d'activistes connus sous le nom de "salafi" ou "wahabi".

Les "salafi" sont des intégristes qui en matière d'interprétation religieuse s'en tiennent à la lettre du texte coranique et perçoivent la plupart des valeurs occidentales et modernes comme antinomiques à l'Islam. Osama Ben Laden en est un. Bien que souvent ils ne soient pas imprégnés de connaissance religieuse traditionnelle, ces "salafi" diffusent une vision de l'Islam à la fois simpliste et utopique, la revendiquant comme "authentique", car opposée aux valeurs socio-politiques de l'Occident qui menaceraient l'ordre musulman.

Comment se fait-il que cette vision "salafi" ait pris une telle ampleur depuis les années 70?

  1. Tout au long du XXe siècle, les États Musulmans ont coopté des érudits modérés notamment dans les emplois administratifs. Ceux-ci sont  devenus les porte-parole de leur gouvernement et, sur n'importe quel sujet, ils apportaient une caution islamique. Les exemples les plus importants sont par exemple, la fatwa du Moufti d'Egypte autorisant la signature de la paix avec Israël, ou celle qui autorise l'usage de méthodes de contraception pour contrôler le développement démographique. Aux yeux de certains intégristes ces clercs modérés ont perdus toute crédibilité.

  2. Les échecs répétés socio-économiques des politiques séculières et nationalistes de la plupart des pays arabes, qui s'ajoutaient à un autoritarisme armé d'état ont traumatisé le citoyen ordinaire. La mosquée en a profité pour diffuser des messages de sédition auprès de la nouvelle génération plus militante et plus islamique, inspirée par les succès de la révolution iranienne et des moujahidin d'Afghanistan.

  3. Mais le facteur décisif dans le silence des "modérés" a été l'accumulation de sommes énormes de pétrodollars par le Royaume d'Arabie Saoudite et les émirats du Golfe qui ont été dépensées pour la propagation de la doctrine salafi ou wahabi, déjà en vigueur dans le centre l'Arabie (Najd) depuis le XVIIe siècle. A contrario les centres traditionnels d'éducation religieuse ont été privés de cette manne et ils n'ont pas pu former et recruter une nouvelle génération d'érudits modérés. Faute de ressources, la menace wahabi n'a pu être concurrencée ni jugulée.

En Inde, quand j'y étais au mois d'août, j'ai remarqué que le gouvernement Saoudien subventionnait activement la création d'écoles où on prodigue un enseignement religieux intégriste ; et il donnait des bourses à de jeunes étudiants, afin qu'ils puissent s'imprégner de wahabisme dans les universités d'Arabie. On ne peut occulter le fait que pendant ces dernières années l'influence wahabi de l'Arabie a été décisive et elle a modifié le paysage religieux de la région. Ainsi par exemple au Yémen la diffusion de cette doctrine et son financement a torpillé les sectes traditionnelles et modérées Zaydis et Shafiis. Les Zaydis ont pratiquement disparu.

talibanOn peut constater un phénomène analogue au Pakistan où les formes asiatiques d'appréhension de l'Islam telles que le mysticisme "soufi" ont été violemment attaquées par les "salafi". De même en Inde les érudits "h'anafi" de Deoband et les "Nadwa" commencent à désapprouver l'enseignement traditionnel musulman spécifique à l'Inde et qui tient compte des croyances et des pratiques hindoues, leur préférant la doctrine venant d'Arabie. Ce qui est encore plus important, c'est que les richesses du pétrole d'Arabie et des émirats a permis d'acquérir de nombreux médias et des réseaux de télévision où toute critique de la doctrine "salafi" est strictement prohibée et toute discussion religieuse censurée.

Mais cette censure religieuse semble s'atténuer depuis les événements de septembre 2001, des sheikhs non salafi ayant pu s'exprimer sur les chaînes de télévision Iqra, MBC ou al-Jazira. Mais il est difficile de discerner une telle atténuation, à moins d'être versé dans les nuances du langage religieux, dans ses allusions et dans ses références.

Toujours est-il que devant cette attaque massive du monde musulman par les salafi, il n'est pas surprenant que les plus dynamiques des "modérés", tels que Tariq Ramadan ou Nasr Hamid Abou Zaid, pour ne citer que deux, se soient réfugiés en Occident. Les Musulmans nés en Occident devraient être à l'avant-garde du combat de l'Islam modéré, mais ils n'ont pas les mêmes préoccupations et ils subissent également des pressions.

En effet il ne faut pas perdre de vue qu'aujourd'hui le message salafi résonne comme "moderne" aux oreilles du Musulman désenchanté, qui ne trouve pas sa place dans une société occidentale qui lui apparaît parfois comme décadente. Le wahabisme apporte des certitudes et ne se perd pas dans les nuances ou les affres du questionnement: il offre un Islam musclé, sain et conquérant, d'où son attrait et son succès.

Jusqu'au jour où il pourra apporter cet élan dynamique, l'Islam modéré restera marginal dans le débat en cours qui cherche à savoir comment être musulman et à déterminer les contours de l'identité de la société musulmane  moderne.

Bernard Haykel

Email:  bernard.haykel@nyu.edu

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©  www.nuitdorient.com par le groupe boaz, copyright autorisé sous réserve de mention du site




liens vers Bernard Haykel

- bio-bibliographie : New York University, Departement of History

- bio-bibliographie : New York University (Arts & Science)

- bio-bibliographie sur le site du Department of Middle Eastern and Islamic Studies (université de New York)

- articles parus dans la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (REMMM)

- "Middle East : al-Qaeda takes a back seat" (The New York Times, 26 juillet 2006)

- "The Enemy of My Enemy et Still My Enemy" (The New York Times)

- "Terminal Debate" (The New York Times, 11 octobre 2005)

- Bernard Haykel on Suicide Bombings

- "The future of Saudi Arabia" (11 mars 2004)

- "Popular Support First. A response to “Islam and the Challenge of Democracy”" (Boston Review, avril 2003)

- "Al-Shawkânî and the Jurisprudential Unity of Yemen", Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (référencé sur le site REMMM)


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2 décembre 2006

la revue "Islam de France"

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les 8 numéros de la revue Islam de France, 1998-2000



la revue "Islam de France"


- texte à venir

Michel Renard, fondateur de la revue


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18 novembre 2006

Islam politique ou islam religion (Michel Renard)

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Islam politique ou islam religion

Michel RENARD


Deux dangers guettent la conscience musulmane française après le 11 septembre : la dénégation de toute implication musulmane dans les attentats-suicide, et un jugement se restreignant au rejet attendu de «l'amalgame» entre terrorisme et islam. La première réaction s'exprime sur les forums de quelques sites internet ou aux alentours de certains lieux de culte où l'on fustige de chimériques instigateurs («les Russes... ou les sionistes... ou les Américains eux-mêmes») sans vraiment susciter de désapprobation argumentée. La seconde est légitime, mais elle ne peut feindre longtemps d'ignorer que les auteurs des attentats sont bien des musulmans et non... des animistes du Monomotapa ! Une expression musulmane qui réduirait sa réaction à ce pathos négationniste et à cette ligne de défense un peu courte, faillirait à ses responsabilités.

Si l'islam de France est autre chose qu'une formule creuse, il ne peut s'exonérer d'une nécessaire clarification théologique. Les leaders musulmans qui n'ont cessé de répéter : «Il n'y a qu'un islam» ont trompé les gens. Cette formule a autorisé, par glissements successifs, une identification aux formes les plus extrémistes et perverties de la religion. Elle a fait paraître l'islam modéré ou tolérant pour un contretemps fade, une tactique sémantique passant pour un aveu de faiblesse devant le défi d'avoir à défendre le «vrai islam».

La vérité c'est qu'il existe plusieurs interprétations du message du Prophète. Le temps est venu de choisir entre l'islam religion, enraciné dans une séculaire sagesse musulmane, et l'islam politique apparu au début du XXe siècle. La formulation des termes d'une confrontation avec l'Occident dans les catégories du religieux islamique a une histoire. Elle débute en 1927, en Égypte, chez les Frères Musulmans et leur fondateur Hassan al-Bannâ. Celui-ci préconise un État islamique comme seule modalité de fidélité à la Loi religieuse. Cette version, dont l'application finit par générer un contrôle totalitaire de la société, s'est appuyée sur le fondamentalisme du mouvement salafi dit «réformiste» et sur l'obscurantisme wahhabite opposé à la raison. Elle s'est développée avec le Pakistanais Mawdûdî et son aberrante thèse de la «souveraineté de Dieu» à l'origine de la réduction de la charia à un code pénal tyrannique.

Après le 11 septembre, la question cruciale n'est pas de s'acharner à démontrer que l'islam est, par nature, étranger au massacre des innocents, mais bien de savoir quelle interprétation de l'islam n'a pas su empêcher certains musulmans de le provoquer !

Que sont donc les GIA, taliban et autres Ben Laden sinon le produit de la décomposition de cet islam politique parvenu à une déspiritualisation du message coranique ? Les musulmans n'ont pas besoin de cet islam idéologisé. Or, une fois publiée la condamnation des attentats par les représentants officiels de l'islam dans notre pays, aucune argumentation de fond n'est venue contrebalancer les effets désastreux de cette vulgate djihadiste. Et ce silence dure depuis des années, laissant proliférer des dérives extrémistes, une vision grossièrement clivée du monde, une lecture littéraliste du Coran, une misogynie théorisée, une idée agressive de la «supériorité» de l'islam, un racisme antijuif, etc.

Dans leur masse, les musulmans de France sont gênés par cette rhétorique réactionnaire et belliqueuse qui ne correspond pas à la quiétude d'une observance et d'une spiritualité héritée de leurs ancêtres. Ils ne partagent pas cette occidentalophobie identitaire qui contrevient à l'intégration culturelle à laquelle ils sont parvenus tout en assumant leur foi. Et s'ils ressentent douloureusement un universalisme à géométrie variable qui ne consentirait à s'exprimer que dans le cadre d'une solidarité intra-«occidentale», ils sont prêts à témoigner que l'humanisme de leur religion participe de l'universalisme des valeurs morales. Ils attendent donc des responsables religieux et des intellectuels une clarification de la théologie musulmane recentrée sur la verticalité du rapport à Dieu et le rejet des utopies meurtrières recourant au vocabulaire islamique.

Michel Renard
directeur de la revue Islam de France
article paru en pages "Rebonds" de Libération le 2 octobre 2001

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17 novembre 2006

Ma vérité sur les caricatures de Mahomet (Michel Renard)


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Ma vérité sur les caricatures de Mahomet

Un musulman pieux s'en remettra à Dieu de laver l'affront

Michel RENARD




Des caricatures, parues dans un journal danois en septembre 2005, ont vilipendé l'image du prophète Mahomet (Muhammad). Des musulmans disent leur colère, d'autres sont déjà passés aux actes. D'autres encore iront, peut-être, plus loin : fatwa d'appel au meurtre, assassinat comme cela a été accompli contre le cinéaste hollandais Théo Van Gogh... Est-il légitime qu'une conscience croyante aille jusqu'à de telles extrémités ? Non. Et pour plusieurs raisons.

1) Le dénigrement du Prophète est aussi vieux que le début de son action. Le Coran mentionne souvent les outrages verbaux subis par "l'Envoyé de Dieu". Celui-ci a été traité :

  • de menteur : "Ils vont jusqu'à dire : un fagot de songes ! Encore les a-t-il inventés", XXI, 5 ;
  • de faussaire : "Les dénégateurs ont dit : Ce n'est là que mystification, qu'il combine en se faisant aider par un groupe d'autres gens", XXV, 4 ;
  • d'apocryphe : "Vont-ils prétendre que c'est de sa part discours d'apocryphe ?", LII, 33 ;
  • de fou : "votre compagnon ne s'égare ni n'est fol", LIII, 2 ;
  • d'égoïste : "Il en est encore parmi eux qui te dénigrent en matière d'aumônes. S'ils en recevaient une miette, ils seraient contents ; comme ils n'en reçoivent pas, les voilà enragés", IX, 58.


2) Un musulman pieux – je ne parle pas de celui pour qui l'islam n'est qu'une "identité" ou qu'un "programme politique" – lit ces termes tous les jours, ou presque. Cela n'attente pas à sa foi. Il sait que les adversaires de l'islam, ou simplement ceux qui se questionnent sur sa vérité, peuvent recourir au vocabulaire du dénigrement. Il sait aussi que dans le Coran, la sanction contre ceux qui dénigrent le Prophète appartient à Dieu : "ne savent-ils pas que quiconque fait front à Dieu (et à Son Envoyé), conséquemment sera châtié du feu de la Géhenne où il restera pour l'éternité ?" Le musulman pieux s'en remet donc à Dieu de laver l'affront.

3) On avance, dans la polémique en cours, que l'islam "interdit" la représentation du Prophète. Sous cette forme générale, cette assertion est une contre-vérité qui est régulièrement démentie mais tout aussi régulièrement répétée. Qu'une tradition dominante dans la pensée musulmane n'use pas de telles représentations, est vraie ; et cela relève plus d'un aniconisme que d'une prohibition iconoclaste (lire l'article de Pierre Lory paru dans Discours psychanalytique 2, octobre 1989).

Mais il existe aussi toute une tradition artistique, en particulier d'origine persane et ottomane, qui a maintes fois représenté le Prophète, que cela soit avec le visage voilé et ceint de la mandorle (flamme de sacralité) ou avec des traits proprement humains. Cet héritage pictural est partie incontestable de la conscience musulmane et de sa sensibilité artistique. Un tel patrimoine relativise les discours qui prétendent interdire toute image du Prophète au nom de la foi, ou qui affirment que donner une représentation humaine du Prophète, "c'est déjà heurter la sensibilité musulmane" (laquelle ?). En réalité, il est moins question de foi que des effets de l'obscurantisme wahhabite et de sa répulsion foncière pour la culture.

4) Il est vrai que les caricatures en question n'ont pas grand chose de "culturel". Mais, eussent-elles été des chefs d'œuvre d'art graphique, la réaction aurait été la même. Pouvoir s'inscrire dans le rôle de la victime permet aux fondamentalistes de drainer autour d'eux un capital de sympathie basé sur la "défense de la oumma assiégée". Leur intolérance enferme l'image qu'ils entendent donner de l'islam entre les deux pôles de la religion maîtresse du monde à venir ou de la victime concentrant sur elle les menées occultes de forces immenses.

Il est vrai aussi que le dessin le plus incriminé (la tête de Mahomet transformée en bombe à la mèche allumée) en dit long sur le désir de mort adressé à l'islam par l'auteur de cette image. À sa décharge, on comprendra l'effroi de ceux pour qui l'islam est d'abord représenté par les exactions et crimes des "jihadistes" depuis le 11 septembre 2001 : un islam porteur de violence sanguinaire. On se retrouve dans une relation spéculaire : instinct de mort contre "culture" de mort.

5) Ce qui me gêne dans la réaction outrée de certains militants musulmans aujourd'hui, c'est justement son côté unilatéral. Ils se disent blessés dans leurs convictions. D'accord. Ils parlent de "véritable déclaration de guerre à l'islam". Bon... Mais quand un Zarqaoui égorge un captif, à genoux et les mains liées, devant une caméra qui diffuse ces images insoutenables sur internet, n'est-ce pas là une "véritable déclaration de guerre" contre un islam qualifié par ces mêmes militants de "religion de paix" ? N'est-ce pas ce genre de geste qui répand largement la "haine" contre les musulmans ? Où sont alors les communiqués de condamnations ? Où sont les rassemblements après la prière du vendredi ? Où sont les cris de colère ???

Michel Renard,
directeur de l'ex-revue Islam de France,
6 février 2006




Quelques commentaires sur ce texte

Ayant "posté" ce texte sur le forum de maghreblog.net (apparemment délesté de ses archives antérieures à octobre 2006...), il m'a été adressé quelques réponses que j'édite ici et sur lesquelles je porte à mon tour une appréciation, en toute courtoisie et sans prétendre "répliquer" en totalité à mon interlocuteur.


Oumelkheir

Cher Monsieur Michel Renard

Je vous remercie d'abord pour votre longue explication sur les nombreuses tentatives de dénigrement du message divin porté par le prophète Mohamed (çala Allah âlih wassalam), ceci est bien connu à travers l'histoire de l'Islam. Si Dieu (Allah) le signale dans le Coran, c'est bien pour nous armer contre ce genre d'attaque, armer dans le sens spirituel, intellectuel, c'est à dire de nous préparer à ce genre d'arguments négatifs ou négateurs. Le silence peut être parfois compris comme une faiblesse, et cela dépend des situations, on peut l'utiliser à bon escient comme on peut choisir parfois la revendication, le dialogue et le boycott. Et je vous rappelle que cela n'a été fait qu'après que les appels des ambassadeurs de pays musulmans au Danemark aient été rejetées, etc.... Et comme la presse danoise peut se déclarer libre, les musulmans peuvent aussi exercer leur liberté, en boycottant des produits d'un pays dont ils se sentent humiliés, après tout à chacun sa liberté. Bien sur cela n'aurait pas du en arriver à la violence, et aux incendies, ni aux appels au meurtre mais cela s'appelle un débordement, un dépassement, des dépassements qui servent les extrémistes de tous bords. L'extremisme n'étant pas propre à l'Islam je le signale.

Ceci dit votre phrase “Il est vrai que les caricatures en question n'ont pas grand chose de “culturel”. Mais, eussent-elles été des chefs d'œuvre d'art graphique, la réaction aurait été la même”. m'a fait sourire. Il se trouve que ce ne sont pas des chefs d'oeuvre à la gloire du prophète, bien au contraire, alors ne faites pas de présomption de ce qui n'est pas...

Et pour finir, lorsqu'en aout 2005, le 21 et 22 aout 2005 un colloque s'est tenu à Charm Echeikh entre un grand nombre de savants et de grands noms de l'Islam, pour qu'à la fin de cette rencontre ils fassent une déclaration commune contre le terrorisme( en excluant bien sur la résistance en général et palestinienne en particulier) on a pas vu les médias (journaux, télés, radios, d'ici ou d'ailleurs) reprendre cette déclaration et en faire un évenement médiatique important. Parce que ça l'était vraiment. Alors dire qu'on entend personne condamner, c'est faux, c'est juste que chacun entend ce qu'il veut bien entendre.

Oumelkheir — 7 février 2006




Adib

michel renard, je partage ton commentaire et je crois que suis sur la meme ligne que que toi en prenant compte des objections de oumelkhir, le problémé est complexe et ancestrale, ça ne remonte pas au 11 septembre 2001, ça ne remonte pas aux croisades, ça remonte à plus de 1400 ans!

Adib — 7 février 2006





réponse à Oumelkheir

Chère Madame Oumelkheir

Juste deux remarques. La première pour préciser une formulation. Vous écrivez :
- "Il se trouve que ce ne sont pas des chefs d'oeuvre à la gloire du prophète, bien au contraire, alors ne faites pas de présomption de ce qui n'est pas."

Il n'y a aucune présomption. J'ai dit : même si ces caricatures malveillantes avaient été, techniquement, de beaux dessins, cela n'aurait rien changé, etc. Je n'imagine pas que le journal danois aurait pu publier de "belles" représentations du Prophète, mais que ses caricatures auraient pu manifester plus de qualités artistiques qu'il n'a été.

Cela étant, les militants musulmans qui disent que "l'islam interdit de représenter le Prophète" censurent ainsi les admirables dessins et miniatures pourtant visibles dans les musées d'art islamique comme celui de Topkapi à Istanbul... Leur rejet ne vise donc pas que les caricatures mais également les réalisations des artistes musulmans...!

Deuxième remarque. Je ne vois pas à quel colloque vous faites allusion, qui se serait tenu à Charm el-Cheikh les 21 et 22 août 2005, au cours duquel des "savants et grands noms de l'Islam" ont condamné le terrorisme.
Mais j'ai quelques informations sur une réunion similaire qui s'est tenue à Amman les 3, 4 et 5 juillet 2005. L'agence suisse ATS a publié cette dépêche :

6 juillet 2005 21:06

Des oulémas interdisent les assassinats au nom de l'islam

AMMAN - Des oulémas ont interdit les assassinats au nom de l'islam, à l'issue de leur congrès à Amman. Ils ont souligné la nécessité de "respecter les opinions d'autrui dans le monde musulman".

"Nous dénonçons le principe d'accusation d'apostasie et la légalisation de l'assassinat de musulmans pour des raisons religieuses", affirment quelque 180 experts et religieux dans un communiqué au terme d'une conférence de trois jours.

Le communiqué souligne que l'unanimité est intervenue sur la base d'une fatwa (décret religieux) émise notamment par Mohammed Sayed Tantaoui, la plus haute autorité religieuse musulmane sunnite, l'ayatollah Ali Sistani, le plus prestigieux des chefs chiites en Irak, et le mufti d'Egypte cheikh Ali Joumaa, ainsi que des autorités religieuses d'Arabie saoudite, de Turquie et de Jordanie.

A l'inauguration de cette conférence, lundi, sur le thème "L'islam véritable et son rôle dans la société moderne", le roi Abdallah II de Jordanie avait condamné l'extrémisme religieux qui ternit selon lui l'image de l'islam et pressé les pays musulmans d'harmoniser les jurisprudences afin de présenter la véritable image de leur religion.

Il a relevé en particulier qu'en "Irak, au Pakistan et dans d'autres pays arabes des accusations d'apostasie sont lancées et des assassinats de musulmans sont commis au nom de l'islam".

"De telles pratiques (...) donnent des prétextes aux non musulmans pour juger l'islam selon les actes perpétrés et contribuent aux critiques acerbes de l'occident contre l'islam", en particulier depuis les attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, imputées à des extrémistes musulmans, a-t-il affirmé.

SDA-ATS



C'est une excellente initiative. Mais il faut remarquer qu'elle ne concerne que la violence et le meurtre ENTRE musulmans, et pas encore à l'égard des autres... Ceci dit, quels organismes musulmans y ont fait écho, ici en France...? La plupart des associations militantes considèrent le cheikh Tantaoui comme "vendu" à Moubarak qui est lui-même vendu aux Américains, etc... Et surtout, quelles actions concrètes de protestation contre ces pratiques ayant pour auteurs des musulmans affirmant agir au nom de l'islam, ont-elles été menées ici en France par des associations musulmanes ? Aucune.

Alors, il y a certainement une information générale insuffisante, comme vous le remarquez, sur l'initiative menée par le roi de Jordanie et par le cheikh Tantaoui. Mais il y a également une quasi censure de la part des militants musulmans qui, aujourd'hui, protestent avec véhémence contre les caricatures danoises mais n'ont, apparemment, pas "entendu" le cheikh Tantaoui l'été dernier. C'est malheureux. Car leur protestation est, évidemment, suspecte de partialité.

Michel Renard




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15 novembre 2006

Références islamiques contre l'iconoclasme taliban

Diapositive1
les statues géantes de Bouddhas à Bamiyan



Références islamiques

contre l'iconoclasme taliban

Michel RENARD

 

La destruction des images (iconoclasme) et statues bouddhiques par le régime des Talibans suscite une réprobation générale. Pour certains musulmans qui pensent que le monde entier passe son temps à comploter contre l’islam, cette réprobation, qu’ils qualifient "d’hypocrite", risque de renforcer leur vision paranoïaque et leur mentalité "forteresse assiégée".

C’est que leur conception de l’islam a probablement été nourrie des mêmes références qui sont aujourd’hui celles des Talibans, formés au Pakistan et soutenus par le régime wahabite de l’Arabie saoudite : un islam transformé en idéologie politique de combat contre un Occident caricaturé et diabolisé.

Et pourtant, je trouve dans l’histoire et la pensée musulmane des références qui condamnent l’attitude des Talibans comme obscurantiste et exprimant une profonde perversion de ce que pourrait être une réflexion contre l’idolâtrie contemporaine, capable de contextualiser la manière dont les premiers musulmans ont lutté contre l’idolâtrie. Cette réflexion serait à situer dans l’esprit des finalités de la Charî’a (maqacid ech-Charïa) - position totalement ignorée des Talibans et de leurs maîtres idéologues pakistanais et saoudiens.

1 - La destruction des idoles a été pratiquée dans la phase fondatrice de l’islam, lors de la victoire militaire du Prophète contre les Qorayshites de La Mecque. Ce contexte inaugural du prophétisme victorieux définit de manière limitative sa portée, justement parce que la prophétie est close. Il justifie qu’on ne peut reproduire le geste du Prophète mécaniquement et hors de ce contexte. L’exemplarité du Prophète n’étant pas l’imitation formelle.

  • Après la destruction des idoles de la Ka’ba, le Prophète évoqua ainsi son geste : "Personne ne devait avant moi porter la main sur cette enceinte sacrée et personne ne le fera après moi. Je n’avais moi-même le droit de le faire que durant une partie du jour" (cité par Tor Andrae, Mahomet, sa vie et sa doctrine, Paris, Adrien Maisonneuve, p. 165).

2 - À côté des récits mentionnant la destruction d’idoles dans le cadre de la confrontation avec d’autres clans à Médine (affrontement politico-militaro-religieux), celui évoquant La Mecque en janvier 630 comporte une dimension spirituelle très forte.
La destruction des idoles par le Prophète a donc un caractère non reproductible, précisément parce qu’elle fut réalisée par lui et non par n’importe quel homme.
Le récit de Wâqidî (cité par Martin Lings, Le Prophète Muhammad. Sa vie d’après les sources les plus anciennes, Seuil, 1986, p. 359) indique :

  • "Le Prophète s’avança vers les idoles au nombre de trois cents soixante, qui étaient disposées en un vaste cercle autour de la Maison sacrée. Chevauchant entre celles-ci et la Maison, il répétait le verset révélé : "La Vérité est venue et l’erreur s’est dissipée. Certes, l’erreur ne peut que se dissiper" (Coran, XVII, 81), tout en pointant son bâton vers chacune des idoles, l’une après l’autre. Chaque fois que son bâton se tendait vers l’une d’elles, l’idole tombait la face en avant".

3 - Toutes les idoles ne furent pas détruites par le Prophète.
Il a demandé l’effacement des représentations païennes dans la Ka’ba, à l’exception d’une icône représentant la Vierge Marie et l’enfant Jésus, et d’une peinture représentant Abraham. Cet épisode est rapporté par Martin Lings qui cite Wâqidî citant lui-même Ibn Shihâb az-Zuhrî, ce qui indique que ce geste se trouvait mentionné dans l’histoire d’Ibn Ishâq avant qu’Ibn Ishâm ne l’ait abrégée. Cet épisode est conforme au texte coranique qui ne contient aucune interdiction générale des images.

4 - On peut invoquer l’humanisme du Coran contre l’iconoclasme des Talibans, en particulier à propos du rapport aux autres divinités :

  • "Ne blasphémez pas les divinités qu’ils invoquent en dehors de Dieu, de peur qu’ils ne soient portés, dans leur ignorance et par dépit, à blasphémer Dieu. C’est ainsi que nous avons fait que chaque peuple soit satisfait de son œuvre. Plus tard, ils retourneront tous à leur Seigneur, qui leur redira ce qu’ils avaient fait" (Coran, VI, 108).

Ou encore à propos du désordre :

  • "Nous accorderons l’ultime vie à ceux qui ne cherchent ni la domination sur la terre, ni la destruction et le désordre. La fin heureuse est réservée aux vertueux" (Coran, XXVIII, 83).

5 - S’ils ne tiennent pas compte de tout ceci, les Talibans n’ont, de toute façon, pas été capables de montrer que les statues bouddiques sont l’objet d’un culte menaçant l’islam. Ces statues appartiennent au patrimoine culturel et historique de l’humanité que le Coran n’appelle pas à détruire, au contraire :

  • "Ne parcourent-ils pas la terre, pour voir ce qu’il est advenu de ceux qui ont vécu bien avant eux ? Ils étaient pourtant plus forts qu’eux et ont laissé sur terre bien plus de vestiges" (Coran, XL, 21).

Alors que les Talibans laissent en paix ces "vestiges". Et que la protestation argumentée des musulmans s’élève contre cette barbarie qui défigure l’islam.

Michel Renard
février 2001, Le Monde des Débats
directeur de l'ex-revue Islam de France

 

 



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14 novembre 2006

Quelle liberté de conscience ? (Leïla Babès et Michel Renard)

medina_kairouan3
Kairouan (source)



Quelle liberté de conscience ?

Leïla BABÈS et Michel RENARD


Dans le cadre de la consultation qu'il a impulsée en direction des musulmans l'automne dernier, le ministre de l'Intérieur a proposé à la signature une "déclaration d'intention" relative au cadre légal de la laïcité . Il s'agit de faire entrer l'islam de France dans le droit commun et, selon les propos officiels, cela : "ne peut faire l'objet d'une négociation". Les musulmans - dont une bonne partie sont citoyens - étaient donc sommés de ratifier un document pour adhérer à un cadre de loi dans lequel, par définition, ils sont pourtant déjà inscrits. La signature du texte fournissait une garantie irrévocable de leur attachement à la République, à la séparation de l'Église et de l'État, aux articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen relatifs à la liberté de pensée et de conscience. Présentée ainsi, cette redondance légaliste a souvent été jugée discriminatoire, et des musulmans (en particulier les associations de jeunes et de nombreuses personnalités indépendantes) n'ont pas manqué de manifester leur indignation. Le texte a donc été discuté de novembre à janvier. Qu'en est-il sorti ?

Outre un paragraphe additionnel sur les fêtes religieuses, et mis à part la modification du terme "déclaration d'intention" qui a été remplacé par "principes et fondements juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman en France", le document adopté stipule que les groupements et associations de musulmans reconnaissent "sans restriction" les dispositions énoncées, et notamment celles relatives à la liberté de pensée, de conscience ou de religion, confirmées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 décembre 1950 (ratifiée par la France le 31 décembre 1973).

Or, il y a bien une restriction, puisque le texte initial ajoutait que cette Convention "consacre notamment le droit de toute personne à changer de religion ou de conviction". Assimilée à un acte d'apostasie, cette précision sur le droit de changer de religion ou de conviction a été retirée. La nuance peut paraître insignifiante et mineure. Elle ne l'est pas.

En effet, soit le principe de ratification d'un tel document est jugé inadmissible, et l'initiative est rejetée de manière totale; soit la démarche est agréée, et les musulmans approuvent le document sans restriction et sans amendement. L'application de la loi ne se marchande pas.

Or, le retrait de cette phrase est lourd de conséquences. Il laisse entendre que les musulmans déclarent adhérer au principe de la liberté de pensée et de conscience, alors qu'il n'en est rien puisque ce principe est amputé; ou encore qu'ils y acquiescent pour les non musulmans, mais pas pour eux-mêmes. Faut-il rappeler que ce principe s'adresse à tous les citoyens ? Qu'en l'adoptant les musulmans ne sont pas tenus de considérer les apostats et les libres-penseurs comme des musulmans, mais de reconnaître que, dans le principe, ils ont ce droit ?

Cette ambiguïté place les concepteurs et les signataires de ce document en situation de porte-à-faux à l'égard des droits de l'homme au nom d'un implicite droit musulman plus que contestable :

  • - les pouvoirs publics, en acceptant d'altérer un texte présenté comme "non négociable", introduisent un état d'exception qui pourrait s'avérer préjudiciable pour l'intégration de l'islam dans le cadre du droit. Rappelons, par ailleurs, que le ministère a même arabisé la consultation en la nommant al-‘istichâra, justifiant ce choix par le fait que le terme revêt une portée et une signification particulière en islam puisqu'il réfère au concept coranique de shûra (consultation). Cette "islamisation" n'avait, à nos yeux, aucune raison d'être. Elle sous-tend, sans mobile juridique sérieux, que le principe de consultation avait besoin d'une légitimation spécifiquement islamique pour être accepté. Le consentement à la restriction sur "l'apostasie" confirme bien l'idée que l'État admet des ajustements au nom d'une sensibilité propre à ses interlocuteurs.

  • - les musulmans, en introduisant explicitement des réticences à ce principe, rejettent ainsi clairement une composante fondamentale de la liberté de conscience, rappelant que des questions aussi cruciales que celles de l'apostasie sont loin d'être résolues par ceux qui affirment pourtant depuis des années la compatibilité de leurs convictions religieuses avec les lois de la République. Est-il nécessaire de préciser que cette sensibilité est loin de représenter l'ensemble des musulmans de notre pays ?

Il ne s'agit pas de faire entrer, dans ce rappel de la loi, des débats sur le statut de l'apostasie qui n'intéressent que les musulmans, mais au contraire de séparer les deux registres. Force est de constater qu'en opérant cette rectification à la baisse, ces musulmans et, à leur suite, la puissance publique - garante du respect plénier des libertés fondamentales, légitiment l'éventualité d'une interprétation "islamique" du cadre de droit commun.

Le ministère disait pourtant : "Chaque organisation sera ainsi placée devant ses responsabilités. En effet, le refus de celles-ci - qu'il soit individuel ou collectif - de ratifier ce document signifierait clairement l'impossibilité au stade actuel de voir naître un islam intégré selon les principes de la laïcité. Les pouvoirs publics auraient à le faire savoir publiquement et à dégager leur responsabilité". Admettons que les musulmans, peu préparés à réfléchir aux bases juridiques d'un tel projet d'organisation, aient eu besoin de temps pour mener une large consultation, ne convenait-il pas d'attendre que la discussion soit étendue à d'autres voix et d'autres sensibilités ?

Comme citoyens et comme musulmans, nous affirmons que le principe de la liberté de pensée et de conscience est trop précieux pour être sacrifié sur l'autel de "l'organisation du culte". L'adhésion à la loi ne peut être conditionnée à son interprétation sélective : "si vous ne faites tout pour la liberté, vous n'avez rien fait" (Robespierre).

Cet incident augure mal du devenir de l'islam dans ce pays. Quel serait le sort réservé à tous ceux, apostats (nous disons bien apostats) ou musulmans, qui exercent leur droit à la libre pensée, ou dont les convictions propres sur l'observance religieuse, les normes juridiques ou toute autre question, peuvent être jugées condamnables ? Combien de penseurs musulmans ont été accusés d'apostasie pour avoir seulement défendu les droits de l'homme ou une analyse différente ! Qu'on se remémore le destin de Mahmoud Mohammed Taha (pendu au Soudan en 1985), de l'égyptien Farag Foda (assassiné en 1992), de Nasr Abou Zeid (contraint à l'exil après le verdict de son divorce forcé par un tribunal égyptien convaincu de son apostasie)...

Si d'ores et déjà les représentants des organisations musulmanes considèrent le droit de changer de religion ou de conviction comme un acte d'apostasie, donc passible de la peine de mort, qu'arriverait-il concrètement si des musulmans de notre pays déclaraient leur sortie de la religion, ou simplement exprimaient une opinion différente ? Convaincus que l'islam de France peut s'intégrer dans la République, nous souhaitons que toute ambiguïté soit levée et que le principe du droit à changer de religion ou de conviction soit réaffirmé par une claire adhésion à la suprématie du droit commun sur tout droit communautaire.


MR___Port_Cros___copie

Le_la_Bab_s

Leïla Babès est professeur de sociologie des religions à l'université catholique de Lille,
auteur de L'islam positif (éd. de l'Atelier) et de L'islam intérieur. Passions et désenchantement (Al Bouraq)

Michel Renard est directeur de la revue Islam de France.
Article paru dans Libération le 26 juin 2000.



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